mardi 16 août 2011

A la recherche de l'abbaye perdue de Longpont

Longpont (Aisne) Aujourd'hui, si l'on excepte l'ancien bâtiment des convers transformé en palais abbatial au XVIIIe et qui sert de salles de mariages et de réceptions, on se promène dans un champ de ruines. Des ruines mais des ruines superbes !
Ce qui reste des colonnes de pierre valent toutes les colonnes Buren du monde. Surtout quand on a comme guide le propriétaire des lieux, le comte Anne-Pierre de Montesquiou.


« Les Talibans de l'époque »

Les Montesquiou ! Une vieille famille de l'histoire de France, originaire du Gers, qui compte parmi ses membres un certain nombre de célébrités dont le fameux d'Artagnan. Plus proche de nous, on connait Robert de Montesquiou immortalisé par Proust sous les traits du baron de Charlus. Marlon Brando faillit camper ce personnage de la Recherche du temps perdu. Finalement c'est Alain Delon qui a prêté ses traits à Charlus. Il paraît que Robert de Montesquiou apprécia fort peu le portrait que fit de lui Proust.
Anne-Pierre nous raconte qu'une de ses tantes vit Robert jeter les lettres de Marcel dans le feu de sa cheminée avec en guise d' oraison: « Ce petit salaud ! ». Mais ne perdons pas de vue notre promenade dans le temps. Toujours à même le sol, notre guide nous montre la clef de la croisée du transept qui culminait jadis à 30 mètres de haut et qui se retrouve échouée là comme une météorite tombée du ciel.


Un combat de Sisyphe

Il a fallu toute la fureur de l'époque pour mettre à bas ce solide édifice qui avait résisté tant bien que mal aux ans. Anne-Pierre de Montesquiou ne s'embarrasse pas de nuances quand il parle des Révolutionnaires qui ont détruit l'abbaye : « les Talibans de l'époque! »
Ce qui n'est pas entièrement faux bien sûr, encore que si l'on refaisait l'Histoire, on s'apercevrait que ce ne sont pas les seuls vandales à s'être attaqués à l'abbaye ! Bien avant les Révolutionnaires, les Anglais (1356) ont saccagé l'édifice, suivis des Bourguignons (1414) et enfin des Protestants (1568). Après des restaurations au XVII et XVIIIe siècles, un incendie détruit en 1724 une partie des bâtiments.
Suit la Révolution.


L'abbaye est vendue le 23 avril 1793 comme bien national. Si les bâtiments du monastère ont été conservés, il n'en va pas de même de l'église abbatiale. Cloches et plombs des vitraux fondus pour faire des balles, édifice lui-même exploité comme une vulgaire carrière de pierre par des entrepreneurs ! On pourrait ajouter les séquelles de la guerre de 1914. Les combats de juillet 1918 ont détruit la dernière travée de voûte centrale au-dessus de la rosace ainsi que les restes du pignon sud du transept (on peut voir dans l'abbaye une photo saisissante prise le 12 juillet 1918). En 1804, le Comte de Montesquiou, l'ancêtre de notre guide, achète l'abbaye et met fin au commerce de pierres. Depuis, dans la famille de Montesquiou on n'a eu de cesse de restaurer ce qui pouvait l'être. Un travail de Sisyphe où les ennemis ne sont plus les révolutionnaires mais le temps qu'il fait, les herbes, les mousses, les lichens.
Un combat perdu d'avance, comme était perdu d'avance le désir de ces moines d'édifier une Cité de Dieu sur terre. Mais un combat nécessaire, ne serait-ce que parce qu'il permet aux visiteurs de faire un superbe voyage à la recherche du temps perdu, avec un petit cousin de Charlus...
http://www.lunion.presse.fr/article/aisne/a-la-recherche-de-labbaye-perdue-de-longpont

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